Habitat : quand la maison s’effondre sous la chaleur et la montée des eaux
L’érosion des territoires du Sundarbans
À la frontière du Bangladesh et de l'Inde s’étend le plus vaste delta de mangrove au monde : les Sundarbans. Plus de 4 000 km², traversés de canaux, abritent la plus grande population de tigres des mangroves (Panthera tigris tigris). Mais ici, le changement climatique n’est pas un concept abstrait ; il est tangible, mesurable. Le niveau de la mer y grimpe deux fois plus vite que la moyenne globale, mangeant littéralement l’habitat des tigres : la surface terrestre des Sundarbans recule d’environ 5,5 km² chaque année, selon le WWF (source : WWF « Tigers in the Sundarbans », 2022).
Il est estimé que, d’ici 2070, plus de 96 % de l’habitat du tigre du Bengale dans les Sundarbans pourraient être submergés (source : Simard, M. et al., « Habitat impact projections for the Sundarbans », Science Advances, 2015). Cette disparition progressive entraîne un double étau pour les félins : moins de proies, moins d’espace, affrontements accrus entre congénères et avec les populations humaines réfugiées sur les dernières terres sèches.
Forêts sèches, proies en fuite
Au Népal et en Inde, dans les réserves des Terai et des forêts sal, les cycles des moussons s’affolent sous l’effet du dérèglement climatique. Tornades, sécheresses brutales alternent avec des précipitations soudaines. Les catalogues forestiers officiels (source : Forest Survey of India, 2021) notent déjà des pertes sensibles d’arbres feuillus et de sous-bois, essentiels à la fois pour l’ombre, le camouflage et le maintien de la biodiversité. Là où la sécheresse sévit, les herbivores migrent, les points d’eau s’assèchent, forçant les tigres à élargir leur territoire — jusqu’à 400 km² pour un mâle adulte dans certaines régions ! Le territoire vital du tigre se dilue, le poussant aux abords des villages.